En dépit d’un sursis accordé jusqu’au 30 septembre pour les dossiers en cours, les aides fiscales pour le logement ont bien pris fin le 30 juin. L’heure est donc au bilan. Annoncées en grande pompe à l’automne 2023 comme un signal fort pour relancer le pouvoir d’achat immobilier, ces mesures n’auront finalement duré qu’un an. Trop peu ? Trop tard ?
Alors que le marché reste sous tension et que les ventes dans le neuf stagnent, deux professionnels du secteur livrent leur lecture – lucide – de ce cadeau éphémère.
Un sursis, oui, mais sous conditions
Si la fin des aides fiscales - crédit d’impôt à 40.000 euros et crédit d’impôt spécial investisseurs, taxe réduite sur les plus-values immobilière, réduction des frais d’enregistrement, augmentation du taux d’amortissement accéléré - était initialement prévue au 30 juin, un délai de trois mois a finalement été accordée. Objectif : éviter que des ventes déjà bien engagées ne tombent à l’eau.
Mais attention, ce sursis ne concerne que les dossiers signés avant le 1er juillet – compromis ou contrat de réservation à l’appui – à condition qu’ils aient été enregistrés dans les temps auprès de l’Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA. L’acte final devra, lui, être signé avant le 30 septembre.
Bien qu’aucun bilan chiffré ne peut encore être établi, on peut d’ores et déjà mesurer l’impact de ces mesures sur le marché immobilier.
« Un bricolage », déplorent les professionnels
Les mesures en elles-mêmes ont été bien accueillies. « C’était très bien ce qui a été mis en place, personne ne peut dire le contraire », souligne Carlos Marques, fiscaliste spécialisé dans l’immobilier. « Ça a permis de faire bouger les choses. »
Même son de cloche du côté de Nathacia Giovagnoli, courtière en crédit immobilier chez AlbaluxCrédit : « Il y a des familles qui ont pu acheter grâce à ces aides. »
Mais très vite, l’espoir a laissé place à la frustration. « Ce sursis de trois mois, c’est du bricolage », poursuit Carlos Marques. « On a sous-estimé la durée de la crise : deux ans d’aides auraient été plus réalistes ».
« On a sous-estimé la durée de la crise : deux ans d’aides auraient été plus réalistes »
Selon lui, c’est le manque de vision qui a plombé l’efficacité du dispositif. « L’immobilier a besoin d’espace et de temps. Il faut de la visibilité, de la stabilité pour rassurer les banques. »
« L’immobilier a besoin d’espace et de temps. Il faut de la visibilité, de la stabilité pour rassurer les banques. »
Le mirage d’un retour à la normale
Du côté des courtiers, le même constat s’impose : si les aides ont réveillé un certain nombre d’acheteurs, elles n’ont pas suffi à rétablir la confiance. « Il y avait une dynamique. Ces aides ont permis à beaucoup de familles d’accéder à la propriété malgré des prix encore élevés », explique Nathacia Giovagnoli. « Maintenant, beaucoup vont être coincés. Certains qui avaient prévu de vendre pour racheter plus grand vont devoir revoir leur copie. »
« Maintenant, beaucoup vont être coincés. Certains qui avaient prévu de vendre pour racheter plus grand vont devoir revoir leur copie. »
Un effet domino qui, selon elle, pourrait ralentir tout l’escalier de l’accession à la propriété. « Ceux qui étaient juste à la limite vont devoir renoncer ou chercher ailleurs. »
La VEFA, principale victime collatérale
Parmi les grands perdants de ce manque de réalisme : la VEFA (vente en état futur d’achèvement). « Il y a une perte de confiance dans le neuf. Beaucoup de promoteurs ont arrêté les chantiers. Et les acheteurs se méfient, car rien ne garantit que le bien sera livré à temps, ou dans les conditions prévues », note Nathacia Giovagnoli.
Pour Carlos Marques, prolonger les aides auraient peut faire repartir la VEFA. Trop cher pour les caisses de l’Etat ? A cela, le fiscaliste répond qu’au vue des rentrées fiscales « énormes » un rallongement de la durée des aides aurait « pu être parfaitement envisageable ».
Le logement abordable ? « Ce n’est pas la solution »
Pour faire face à la crise, le gouvernement mise désormais sur le logement abordable. Mais là encore, les professionnels se montrent sceptiques.
« L’intention est bonne, mais ça ne suffira pas. La discordance entre l’offre et la demande est trop profonde pour être réglée uniquement par ça », juge Carlos Marques. Selon lui, même la loi sur la simplification administrative, attendue au Parlement début juillet, ne suffira pas à relancer la machine.
Nathacia Giovagnoli, elle, ne cache pas son agacement. « L’abordable, c’est n’est pas la solution. Il y a trop de monde sur les listes d’attente, trop peu de biens, et surtout une mainmise de l’État sur le foncier qui empêche le marché de respirer. »
« L’abordable, c’est n’est pas la solution.
Classes moyennes : toujours les grandes oubliées
Sur le terrain, les premiers à souffrir restent les mêmes : les classes moyennes. « Ils sont trop riches pour les aides sociales, trop pauvres pour acheter ici », résume Nathacia Giovagnoli. « Environ un tiers de mes clients s’en vont acheter à l’étranger, en France, en Allemagne ou en Belgique. C’est souvent la seule solution. »
les classes moyennes. « Ils sont trop riches pour les aides sociales, trop pauvres pour acheter ici » « Environ un tiers de mes clients s’en vont acheter à l’étranger, en France, en Allemagne ou en Belgique. C’est souvent la seule solution. »
Selon son expérience, beaucoup de jeunes luxembourgeois, de familles et de nouveaux arrivants traversent la frontière. « C’est juste qu’Luxembourg au les prix sont déconnectés des revenus. »
« C’est juste qu’Luxembourg au les prix sont déconnectés des revenus. »
Les aides fiscales auront donc eu un mérite : montrer que, bien conçues, elles pouvaient redonner un peu d’air au marché. Mais sans vision à long terme, elles n’auront été qu’un feu de paille. Et pour nombre de ménages, le rêve d’un logement au Luxembourg reste encore… une chimère.
Les aides fiscales pour le logement : de la poudre de perlinpinpin ?