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La cryptomonnaie : l'avenir du prêt immobilier au Luxembourg ?

Quand les cryptos deviennent un levier : vers le premier prêt immobilier garanti en actifs numériques au Luxembourg ?
10 octobre 2025 par
La cryptomonnaie : l'avenir du prêt immobilier au Luxembourg ?
Laetitia K.
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Longtemps considéréesavec méfiance en Europe, les cryptomonnaies — Bitcoin, Ethereum et consorts — ont trouvé leur place dans le paysage financier. En 2023, un Luxembourgeois sur sept en détenait… Un chiffre sans doute en hausse, au point qu’une banque installée au Luxembourg prévoit de lancer des prêts adossés à des crypto-actifs dès 2026. Simple coup d’éclat ou début d’une révolution durable ?


Acheter une maison grâce aux cryptos : mythe ou réalité ?

L’annonce a fait grand bruit sur le marché financier mondial : la banque américaine JP Morgan, présente au Luxembourg depuis 1973, envisage d’offrir à ses clients la possibilité d’utiliser leurs cryptomonnaies comme garantie pour souscrire à un prêt immobilier dès 2026. Une décision d’autant plus surprenante, que quelques mois plus tôt, son PDG Jamie Dimon s’était montré ouvertement critique envers les crypto-actifs.

Pour l’instant, rares sont les acheteurs qui financent leur logement directement en cryptomonnaies. Selon une enquête de la National Association of Realtors, à peine 1 % des acheteurs immobiliers américains ayant versé un acompte entre juillet 2023 et juin 2024 ont utilisé des fonds issus de la vente de cryptos.

En 2022, le Portugal a finalisé la première vente immobilière entièrement réglée en cryptomonnaies. En France, la première transaction de ce type, après conversion en euros, a eu lieu cet été près de Lyon.

En marge de ces ventes directes, certains acteurs innovent : la fintech américaine Milo propose des prêts immobiliers garantis par des cryptomonnaies (« crypto mortgages »). Début 2025, elle avait déjà émis plus de 65 millions de dollars de crédits de ce type.

Cette somme peut paraître colossale, mais ce n’est qu’une goutte dans l’océan des prêts immobiliers où l’on parle plutôt en centaines de milliers de milliards d’euros à l’échelle mondiale…

En Europe et au Luxembourg, ce type de prêt n’existe pas encore, du moins pas sous cette forme.

Le seul crédit qui peut aujourd’hui utiliser des cryptos actifs comme garantie au Luxembourg est un crédit ancien, datant du XIIème siècle : le crédit Lombard. Son principe est simple : l’emprunteur met en gage des actifs financiers (actions, obligations ou cryptos) auprès de sa banque qui lui prête une somme correspondante en argent. L’emprunteur rembourse ensuite ce prêt avec intérêts, et, une fois libéré de sa dette, récupère ses actifs.

En clair : c’est comme mettre ses cryptos au coffre pour obtenir rapidement du cash. Mais dans les faits, ce type de crédit n’est rentable que pour des portefeuilles déjà très bien garnis.


Le Luxembourg : un terrain favorable au « crypto-prêt »

Face à l’essor des cryptomonnaies – 700 millions de détenteurs dans le monde en 2025 contre 562 millions en 2024 – l’Europe et, par ricochet, le Grand-Duché ont, depuis fin 2024, mis en place une réglementation visant à mieux encadrer le marché de la cryptomonnaie : la réglementation MiCA (Markets in Crypto-Assets).

Sans rentrer dans les détails techniques, le MiCA a :

  • défini les règles pour les émetteurs de crypto-actifs,
  • encadré les plateformes qui permettent d’acheter, vendre ou conserver des cryptos (les CASP),
  • fixé des normes pour protéger les investisseurs et utilisateurs,
  • imposé des obligations de transparence et d’information sur les crypto-actifs, 
  • et prévu des mesures contre les fraudes et les abus

Dans le cadre de cette nouvelle réglementation, la Commission de Surveillance du secteur financier (CSSF) a déjà enregistré trois prestataires de services sur actifs virtuels (PSAV) : Bitstamp Europe S.A., Clearstream Banking S.A. et Coinbase S.A. Ces entreprises sont autorisées à gérer, acheter, vendre ou conserver des crypto-actifs pour le compte de clients particuliers et institutionnels.

En théorie, rien n’empêche les banques luxembourgeoises de collaborer avec ces acteurs pour lancer un « crypto-prêt ». Dans un article récent de Paperjam, la CSSF précisait d’ailleurs que « l’acceptation de cryptoactifs comme garantie dans des opérations de prêt n’est pas interdite aux banques luxembourgeoises ».

« l’acceptation de cryptoactifs comme garantie dans des opérations de prêt n’est pas interdite aux banques luxembourgeoises ».

Toutes les conditions semblent donc réunies pour que les particuliers possédant des cryptos puissent les utiliser comme apport dans un prêt immobilier. Et pourtant, comme le rappelle Paulo Figueiredo, courtier en crédit immobilier chez Albalux Crédit et ancien banquier : « Cela ne s’est jamais vu au Luxembourg. »

« Cela ne s’est jamais vu au Luxembourg. »


Les banques luxembourgeoises encore trop frileuses

La cryptomonnaie commence à apparaître ça et là dans le processus d’obtention d’un prêt immobilier. « Les banques voient cela comme un investissement, un point positif dans un dossier » affirme encore le courtier, qui se souvient d’un client dans ce cas.

Mais, si la place financière luxembourgeoise connaît l’univers de la crypto, elle n’en maîtrise pas encore tous les rouages et se montre particulièrement méfiante. « Les banques estiment que le risque de blanchiment d’argent est particulièrement élevé avec les cryptos-actifs » explique Paulo Figueiredo.

Officiellement, seule la Spuerkeess propose certains produits liés aux  cryptomonnaies, en partenariat avec des prestataires tiers. La Raiffeisen, quant à elle, déconseille tout produit lié aux crypto-actifs, invoquant « la forte volatilité et les niveaux de risque élevés de ces actifs, qui ne correspondent souvent pas au profil de la majorité de nos clients ». 

« la forte volatilité et les niveaux de risque élevés de ces actifs, qui ne correspondent souvent pas au profil de la majorité de nos clients ».

Cette prudence est compréhensible : intégrer les cryptos dans les prêts immobiliers bouleverserait le fonctionnement interne des banques traditionnelles. Elles devraient repenser leurs systèmes informatiques, renforcer leur cybersécurité, et revoir leurs procédures opérationnelles et juridiques, notamment pour la conversion d’actifs et la lutte contre le blanchiment.

« Le Luxembourg est très en retard par rapport à d’autres places financières européennes » résume l’ancien banquier et courtier Albalux Crédit. En réalité, dans toute l’Europe, seule la Luzerner Kantonalbank (LUKB) a osé franchir le pas. Depuis septembre, elle accepte le Bitcoin (BTC) et l’Ethereum (ETH) comme garantie pour ses prêts — un exemple unique pour l’instant.

La LUKB reste discrète sur les modalités de ce « prêt nouvelle génération », mais souligne son approche prudente face à la volatilité des cryptos. Comme aux États-Unis, le montant accordé à un particulier reste inférieur à la valeur de ses actifs numériques : posséder 500.000 euros en cryptos ne permet donc pas d’emprunter la totalité de cette somme.

À l’exception de la filiale luxembourgeoise de la banque américaine JP Morgan, les banques traditionnelles locales restent prudentes et n’envisagent pas encore de proposer de tels « crypto-prêts ».

Entre prudence locale et innovations isolées en Europe, l’avenir des prêts immobiliers adossés aux cryptomonnaies reste incertain — mais le signal est clair : le marché pourrait bientôt basculer.

La cryptomonnaie : l'avenir du prêt immobilier au Luxembourg ?
Laetitia K. 10 octobre 2025
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