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Quand le logement abordable reste inabordable


Malgré une volonté politique indéniable, encore trop peu de ménages à modestes ou faibles revenus peuvent accéder à un logement abordable. Un nombre insuffisant de biens disponibles et la réticence des banques expliquent en partie cette situation et poussent les pouvoirs publics à se concentrer davantage sur le marché locatif.

 

 

Beaucoup de demandes et peu d’élus

Avec des prix souvent 40% moins élevés que ceux des maisons et appartements neufs vendus par les promoteurs privés, les logements proposés à la vente par les promoteurs publics comme la SNHBM et le Fonds du Logement attirent toujours plus de ménages luxembourgeois désireux d’acheter un bien immobilier sur le territoire. 

 

Dans son rapport annuel de 2023 (le plus récent), la SNHBM a ainsi recensé 6.846 personnes intéressées à l’achat d’un logement abordable. Pourtant, le promoteur public n’a vendu en 2023 que 16 appartements et 22 maisons unifamiliales en VEFA (vente en futur l’état d’achèvement) . Autrement dit, seuls 0,56% des dossiers déposés ont réellement abouti en 2023. Autant dire qu’il existe un fossé presque abyssal entre la demande et la concrétisation. 

 

Bien que l’année 2023 ait été particulièrement difficile au Luxembourg, même sur le marché de l’immobilier privé (seulement 572 appartements VEFA vendus, contre près de 1.500 avant la crise), le constat pourrait bien être le même pour l’année 2024 : l’accessibilité au logement, même abordable, est compliquée au Luxembourg. 

 

 

Un problème de financement ?

Le manque de logements est souvent pointé de doigt comme étant responsable de cette situation. C’est en partie vrai. Toujours selon le rapport de la SNHBM, 93 logements destinés à la vente ont été construits en 2023 et 525 étaient toujours en cours de constructions… des chiffres loin de combler les quelque 6.846 demandeurs, dont le nombre de cesse d’augmenter chaque année. 

 

Pourtant, l’Etat luxembourgeois investit des millions pour accroitre sur parc immobilier et ainsi gonfler le nombre d’habitations abordables. En 2023, il a fait l’acquisition de 45 logements en VEFA pour un montant de 26,18 millions d’euros. En 2024, il aurait investi 57,38 millions d’euros pour acheter 101 logements. Le gouvernement souhaite aller encore plus loin : une enveloppe de 408 millions d’euros a été allouée exclusivement à l’achat de logements en VEFA entre 2025 et 2028.

 

Au-delà du nombre insuffisant de logements abordables, ce type d’habitations semble inaccessible aux ménages à petits revenus. Les faibles ventes recensées en 2023 en témoignent. Alors, d’où provient le problème ? On ne peut qu’émettre des hypothèses. Soit les personnes concernées ne connaissent pas leurs droits en matière d’aides au logement, soit elles rencontrent des difficultés à obtenir un prêt bancaire. En 2024, le gouvernement a augmenté les plafonds de revenus des personnes éligibles aux aides au logement et n’a cessé de communiquer à ce sujet. Ainsi, la réticence des banques luxembourgeoises à accorder des prêts est probablement la raison principale d’un marché de l’abordable encore trop inabordable.

 

Les promoteurs privés s’en font d’ailleurs l’écho. Obligés par la loi de réserver une partie des logements de leurs projets immobiliers à des prix abordables, accessibles à des ménages éligibles aux aides au logement, ils peinent à trouver preneurs. Si les futurs acquéreurs sont généralement éligibles, leur rêve s’arrête souvent face au refus de leur banque de financer leur projet.

 

 

La location abordable privilégiée

Si les logements abordables ne se vendent pas ou peu, pourquoi l’Etat luxembourgeois s’obstine-t-il à acquérir de biens immobiliers ? Et bien, pour les louer à des familles aux revenus modestes qui peinent à acheter un appartement ou une maison ou à louer un bien au prix du marché. Le gouvernement ne s’en cache pas : dans le rapport 2023 du Fonds spécial pour le logement abordable, il affiche sa volonté de destiner 60% de son parc immobilier à la location abordable contre seulement 40% à la vente emphytéotique.

 

La demande pour des logements locatifs ne cesse de croître. Déjà fin 2023, le Fonds du logement recensait 5.940 dossiers en attente et la SNHBM, 4.060, soit 1.729 de plus que l’année précédente. Ce nombre pourrait encore augmenter en 2024 en raison de la hausse des loyers constatée sur le territoire (+ 3 % pour les appartements en 2024 et +1,8 % pour les maisons selon AtHome.lu). En 2023, les dernières données disponibles indiquent que la SNHBM et le Fonds du Logement ont loués 339 logements abordables. Comme pour la vente, ce chiffre reste bien en deçà des dossiers encore en attente.

 

Néanmoins, les communes et l’Etat redoublent d’efforts pour proposer des habitations en location abordables. La Ville de Luxembourg dispose, par exemple, de 618 logements en location abordable. À Niederkorn, la SNHBM a inauguré en décembre dernier un ensemble de trois résidences neuves comprenant 42 appartements de 1 à 4 chambres, exclusivement réservés à la location abordable.

 

 En plus d’avoir assoupli les critères d’éligibilité pour une location abordable, le gouvernement encourage également les bailleurs privés à confier leurs biens en gestion locative social. Outre les avantages traditionnels (loyer garanti, recherche de locataire, entretien du bien), ces bailleurs ont droit à deux exonérations fiscales mises en place l’année dernière : 

 

  • 🟠 Une exonération temporaire (jusqu’au 1er juillet 2025) sur les plus-values immobilières réinvesties dans un bien mis en gestion locative.
  • 🟠 Une exonération définitive qui réduit à 10 % l’imposition sur les revenus nets provenant de la location via un organisme de gestion locative sociale (contre 25 % auparavant).

 

En définitive, bien que l’Etat tente d’inverser la tendance, le marché du logement abordable au Luxembourg peine encore à toucher le public visé : les ménages à revenus modestes. Le manque de logements, la réticence des banques et le manque d’informations semblent en être les causes. Pour contourner le problème, l’Etat s’efforce de diriger ces familles vers la location abordable.


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Quand le logement abordable reste inabordable
Vera ALVES 11 de março de 2025
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